Entraînement offshore novembre 2023

A la demande de Chris, dans son aventure Fastnet à laquelle il souhaite me joindre, je participe à un entraînement de course au large. Les agendas s’affinent et la date le week-end du 9-12 novembre semble aller à tous. Nous serons 4 :

  • Chris, chef de bord, propriétaire de Zen It (First 31.7), en charge de la préparation du bateau
  • Nicolas, cuisinier, chargé de l’avitaillement (des courses 😜)
  • Vlad, ami de Chris, venant de Toronto, happiness manager
  • Pierre (c’est moi), responsable de la partie médicale

La Fastnet ? C’est une course qui part du sud de l’Angleterre. Il faut faire le tour du mythique phare du Fastnet situé au sud de l’Irlande et revenir en Normandie. Ca fait un total de 700 MN. Peuvent participer les marins professionnels mais aussi les amateurs. Elle se court tous les 2 ans et pour l’édition 2023 il y avait 450 bateaux répartis dans 5 classes (catégories).

Le programme

L’idée est de commencer à s’entrainer sur de longues distances en équipage dans un premier temps puis en double. L’objectif est d’être prêts pour la Fastnet 2025 en équipage et 2027 en double. L’intégralité de la préparation n’est pas affinée pour le moment.

L’objectif de cet automne est de quitter Marseille pour Ajaccio, tourner les îles sanguinaires, et revenir à Marseille. Cela fait un total de 350 MN (700 km). Avec le first 31.7 de Chris, qui tient un bon 5 voire 6 noeuds de VMG, nous devrions boucler ce tour en 3,5 jours. Départ le jeudi en matinée et retour dans la nuit de dimanche à lundi.

La préparation

Le Road Book

Chris, entraîné par sa préparation de cet été à Toronto, a rédigé un Road book. C’est une très bonne idée, très pratique, qui permet de correctement préparer les choses très en amont. Chaque partie d’ailleurs allait être complété par les uns et les autres dans ce Road Book justement.

On retrouve toutes les infos sur le projet, les détails sur les références, la description du bateau, les ports refuges, les coordonnées de contact, … Il y a aussi le planning de la semaine avant le départ avec les arrivées de chacun mais aussi les tâches à faire et qui s’en occupe. La météo tient une bonne part du document avec les analyses, et les sources. Il y a aussi l’organisation à bord pendant la navigation. Cela évite l’hésitation. Les quarts sont déjà définis, les règles de vie, les raisons de réveiller l’équipage. Par exemple Chris indique qu’un changement du vent de 20° en moins d’une demi heure est une raison pour le réveiller et alors décider en équipe de ce qu’il convient de faire.

Alimentaire

Avant que Nicolas ne rejoigne l’équipe, Chris m’avait demandé de m’occuper des repas. Au vu du programme j’étais parti sur des repas simples, si possible chauds et nutritifs. Chez Super U ca se traduit par des soupes, des pates, des sauces pesto, du riz, un peu de légumes, un saucisson, des fruits et de l’eau. Si vous avez d’autres bonnes idées, mettez les en commentaire. Je suis preneur.

Médical

En mai 2023, avec le compère Diego, j’ai validé ma formation World Sailing et PSMER au centre Survie Mer de Marseille. Un super stage, piloté par une excellente équipe pédagogique. Je recommande !

J’avais à cette occasion rencontré le 👨‍⚕ Dr Bruno Barberon, qui avait présenté les techniques de soin et de secourisme, les prescriptions de matériel et médicaments pour les différentes courses, et partagé de nombreuses astuces pour les attelles ou les immobilisations de cheville, de coude, etc.

Dr Barberon était venu ensuite présenté les procédures d’appels d’urgence lors d’une séance organisée par l’assocation UCAP (Union des Constructeurs Amateurs de bateaux de Plaisance). Ca m’avait rafraichi la mémoire 🩺

Dans mes recherches pour la pharmacie à prévoir dans le cadre de l’entrainement, j’ai récupéré celle pour les courses type Fastnet (RSO2) auprès de la FFV (Fédération Française de Voile) et celle proposée par le CCMM (Centre de Consultation Médicale Maritime). Il s’agit d’une liste en fonction de la distance. Celle du CCMM nous concernant (> 60MN) est longue comme le bras et en comparaison avec celle de la FFV, elle me semblait bien trop exigeante. Elle est pertinente pour les longues traversées hors escadre je pense.

Voulant en avoir le cœur net et l’esprit libre, j’ai réussi à obtenir 2 heures de l’agenda du Dr Barberon. Il m’a partagé son avis, ses conseils et m’a à nouveau rappelé les gestes principaux : pose d’un pansement israélien, pose d’un collier cervical.

J’ai donc retenu la liste RSO 2, partagée en 3 sacs : urgences, réserve, survie. Je la partage en dessous de l’article avec les liens des articles pertinents sur le sujet.

Equipé de ma pharmacie XXL, j’ai déclaré l’entrainement au CROSS Gris-Nez et adressé les fiches médicales individuelles (que j’ai traduit en anglais) remplies par l’équipage au CCMM à Toulouse. Espérons que tout cela ne serve jamais.

Point météo à J-1

30 nœuds NO (pile-poile notre route) établis, 50 nœuds en rafale, 4 m de creux sur une période de 5 secondes… Pas vraiment un temps de croisière. Première sortie de la saison sur Zen It, un équipage qui n’a jamais navigué ensemble, des équipiers clairement pas rompus à ce type d’exercice, … La balance ne laissait pas de doute. Il fallait changer d’itinéraire.

Le vent de Nord-Ouest, le mistral, souffle fréquemment à cette période de l’année. Et souvent, il vient avec sa consœur : la tramontane. Le mistral descend la vallée du Rhône, la Tram’ heurte les Pyrénées et file à l’est au dessus de Sète. Notre idée est donc de passer en direction du Cap Creus sous la frontière franco-espagnole avant que la tempête ne s’installe et de remonter le long de la côte du Golfe du Lion pour espérer avoir moins d’air et pouvoir se réfugier ici ou là si besoin. Cela réduit la distance totale à 250 MN (450 km), soit approximativement 2 jours de navigation.

Le parcours décidé mercredi, veille du départ.

L’aventure

Jeudi matin place aux (nombreuses) dernières finalisations sous la pluie… Et à 15h c’est parti, direction l’Espagne !!

Ajustement obligatoire

19h, la nuit est tombée, la pluie a cessé. Le vent monte gentiment. Il souffle désormais à 20-23 nœuds. Nous sommes sous J2 (solent à recouvrement de 100%) avec 2 ris dans la Grand-Voile. Depuis que nous sommes partis, nous reprenons chacun nos marques. Et je découvre, en même temps que Chris je pense, que Vald n’est pas très à l’aise dans la conduite, ne maitrise pas les réglages, bref n’a pas le niveau pour un tel entrainement. Quant à Nicolas, il est absent. A peine sortie du port, il s’installe dans le carré, casque sur les oreilles, et disparait dans son monde sans nous dire pour combien de temps, etc.

Chris m’avoue ne pas être à l’aise avec la situation : un décalage entre le projet, les objectifs et les capacités/compétences du groupe à les atteindre en sécurité. Nicolas et moi, nous sommes écharpés avant le départ. Sa gestion des courses m’a déçu et la mayonnaise est montée. A postériori je pense que je n’aurai dû abandonner le projet mais mon envie, ma part médicale, m’a fait rester même s’il m’a menacé le jeudi matin…

Quoi qu’il en soit ni Chris ni moi ne nous sentons à l’aise de laisser le bateau à quelqu’un d’autre, on sait que le vent va forcir, et que notre jeu de voile n’a pas encore été testé dans ces conditions. Il nous suffit de lister tous ces points et la décision est prise : demi-tour, retour à Marseille.

Un nouveau projet

On arrivera vers 23h au Frioul. La suite ? Chris me demande si la fenêtre pour l’Espagne sera encore bonne le lendemain. Ma réponse est non. La météo annonce un mistral de 30 nœuds établis tout au long du weekend. Il faudra donc rester dans la zone, chercher à aller le plus à l’ouest possible face au vent samedi, dimanche, nous laisser glisser, poussés par ce mistral.

Evidemment ce nouveau programme est beaucoup moins attractif que le premier. L’ambiance a bord n’est très agréable. Parler anglais en permanence, pour tchatter ou pour les réglages, pour la cuisine ou pour la navigation, cela me fatigue. J’en ai même le mal de mer… L’investissement des uns et des autres est différent. Je regrette de devoir porter autant le projet avec Chris. Mais c’est ainsi.

Si triste ?

Il y aura 2 moments de navigation à retenir. Le vendredi soir l’approche du port de Carro, le long de la côte bleue, par 30 nœuds avec des creux de 2m voire 2,5m a été intéressant. L’autre temps fort est la descente sous spi par 20 nœuds, dans des surfs allant jusqu’à 9 nœuds, le samedi matin. Et puis les Calanques ! Affalé son spi, envoyer le solent, prendre un ris, repartir au prés et enchaîner les virements dans les Calanques. Quel bonheur. Nous sommes avec Chris deux gamins, il est aux embraques, je barre. Plus besoin de parler. Un geste et zou : « tacking ! »

Samedi matin, c’est aussi le moment au Chris, fatigué également, me propose de rentrer au vieux port dans l’après-midi et de mettre fin à la session. Je suis soulagé et cela me libère pour la journée. Même si l’attitude de Nicolas d’aller s’allonger à l’avant du pont, sans harnais ni gilet, lors de la descente vers les Calanques sous spi, m’a stressé et plutôt agacé.

Notes pour plus tard

Voici quelques notes qu’il me faudra relire quand le prochain projet débutera.

  • Il est capital de sortir avec l’intégralité de l’équipage et le bateau avant d’envisager une telle aventure. La mer, l’isolement, le stress, changent les gens. Il faut absolument les connaitre en situation avant de viser plus loin. Progresser en groupe pas à pas.
  • Mon analyse météo était juste et les points à J-7, J-3 et J-1 sont pertinents. Le petit tableau avec en vert/orange/rouge les conditions de vent et de mer permet de rapidement lire les choses.
  • Mon kit médical RSO2 est prêt. A moi de le maintenir en état. Je suis disponible pour en parler si besoin 🤓

Ressources

Voici quelques documents pour préparer vous aussi vos sorties et/ou entraînements. Attention, je rédige ces lignes en novembre 2023, les recommandations ont peut être changées depuis.

Il y a une trousse de secours obligatoire à avoir à bord. C’est un minimum fourni par les autorités françaises. Télécharger le fichier pdf

Le CCMM propose aussi une liste. J’ai regroupé d’une part le matériel et de l’autre les médicaments. Les 3 catégories (inférieur à 6MN, entre 6 et 60 MN, supérieur à 60MN) sont cumulatives. Le CCMM conseille d’embarquer le matériel de 6MN + celui de 60MN pour naviguer à moins de 60 MN des côtes. Les documents sont téléchargeables en dessous.

Toujours du CCMM, voici les fiches de renseignements médicaux individuelles. La version française est disponible sur le site du CCMM mais j’ai créé la version anglaise. Je ne voulais pas que mes collègues anglophone est à traduire mes antécédents lors de la conversation d’urgence…

Enfin, la Fédération Française de Voile, dans les RSO (Réglementations Spéciales Offshore) précise la pharmacie à embarquer en fonction de la catégorie de la course. A titre d’exemple, la Fastnet est en RSO 2, le Vendée Globe est en RSO 0.

A partir de tout cela, et des échanges que j’ai eu avec les médecins pour préparer l’entrainement ; en tenant compte de mon équiapge (allergies par exemple) j’ai constitué ma pharmacie. La voici :


Publié

dans

par

Étiquettes :

Commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *